Retour sur la matinée « Gouverner la ville autrement » organisée par le Monde à l’Hôtel de Ville de Lyon le 7 avril dernier

Organisée par Le Monde, cette journée était consacrée aux enjeux de démocratie à l’échelle des villes, et au rôle que peut jouer le numérique pour y répondre. Voici une synthèse des interventions des invités de la matinée, dont le programme est disponible en ligne.

  • Le diagnostic : les défis de la démocratie à l’échelle des villes

La démocratie à l’échelle des villes n’échappe pas à la tendance générale de défiance vis-à-vis des représentants politiques : pour preuve la baisse continue de la participation aux élections locales (bien que les taux de participation restent plus forts à cette échelle qu’aux autres échelles).

CEVIPOF, baromètre de la confiance politique
CEVIPOF, baromètre de la confiance politique

La démocratie implique par ailleurs qu’il y ait débat entre personnes n’ayant pas les mêmes opinions, les mêmes vécus, pour construire un avenir commun dans l’intérêt du plus grand nombre. On a vu par ailleurs, avec les mouvements Nuit Debout ou les Indignados, qu’il existe une volonté de se réapproprier l’espace public en même temps que la parole politique : l’espace physique et démocratique sont ainsi bel et bien liés.

Or les villes souffrent de ségrégation spatiale, et ne permettent plus, de par leurs formes urbaines, la rencontre nécessaire entre ces différents profils. Le manque d’espaces publics en milieu périurbain est un des exemples cités dans le cadre de cette journée de débats : les ronds-points ont remplacé les places publiques.

  • Les promesses des civic tech

Face à ces défis démocratiques, les civic tech apportent de potentielles solutions. Le match des start-ups organisé lors de cette journée donne à voir quelques exemples. Quatre étaient présentes pour présenter leur projet : Let’s co (qui a remporté le match), Open Source Politics, Civoracy, et Urbee.  Ces outils technologiques permettent de fonder et d’animer des communautés de citoyens pour co-construire les politiques publiques ou des projets d’intérêt collectif.

A Hambourg, les civic tech ont été mobilisées pour accueillir les 50 000 migrants arrivés récemment : en modélisant les bâtiments vacants, et à force de concertation, chaque quartier a pu préparer l’arrivée de ces personnes au mieux. Un article paru dans Le Monde du 7 avril relate cette expérience, qui a permis de modéliser la ville pour mieux gérer sa complexité.

  • Les limites de la technologie pour réenchanter la démocratie dans les villes

Cependant, chacun des intervenants, les startupers en première ligne, soulignent que les civic tech ne peuvent pas remplacer l’humain : ces solutions technologiques doivent donc être accompagnées par des dispositifs d’accompagnement « dans la vraie vie ».

En effet, le numérique ne « réenchante que ceux qui sont déjà réenchantés » : les utilisateurs de ces civic tech sont souvent les mêmes que ceux qui s’expriment déjà dans les instances de démocratie participative. Le même constat avait déjà était fait par un groupe de chercheur sur le mouvement politique issu des indignados, Podemos (H. Nez, Podemos, un parti de « non professionnels », dans Savoir/ agir n°32, juin 2015).

Le fait est que les civic tech appartiennent, comme le soulignait Cynthia Fleury lors de cette journée du Monde, au logos : il faut savoir manier le verbe pour y être audible et se sentir légitime à intervenir. L’enjeu est donc de valoriser également d’autres formes d’expression permettant de construire des lendemains qui chantent.

  • Des solutions qui ne fonctionnent qu’en complémentarité de présentiel

Les civic tech fonctionnent donc de pair avec des formes matérielles : leur mise en œuvre s’accompagne de médiation pour apprendre à les utiliser, et surtout les adapter aux usages et besoins des citoyens. Dans ces conditions, elles peuvent permettre de diversifier l’audience de la concertation et la désintermédiation de la décision politique.

Les fablabs, jardins partagés, ateliers animés avec des lego serious game… sont autant de lieux qui valorisent d’autres formes d’expression. Rassemblant des communautés hétérogènes, ils permettent de transmettre d’autres types de savoir et connaissance entre générations et milieux sociaux.

  • Le numérique pour améliorer la ville
Carlo Ratti, directeur du MIT Senseable City Lab (Massachussets Institute of Technology)
Carlo Ratti, directeur du MIT Senseable City Lab (Massachussets Institute of Technology)

La dernière partie de la matinée a été consacrée à un échange avec Carlo Ratti, directeur du MIT Senseable City Lab (Massachussets Institute of Technology). Entre autres sujets évoqués (on aurait aimé qu’il ait plus de temps pour s’exprimer), il est revenu sur les bénéfices du numérique et de la nouvelle économie pour assurer une meilleure gestion de la rareté des ressources dans les villes. Aujourd’hui, 50% de la population mondiale est urbaine. Cette urbanisation très forte entraine un impératif d’efficacité dans l’utilisation des ressources : foncières pour éviter l’étalement urbain, énergétiques pour limiter les GES et le réchauffement, auto-partage pour limiter l’usage individuel des voitures et ses effets néfastes, mixité professionnelle et personnelle des logements, … Covoiturage, coworking, coliving, … sont autant de solutions innovantes permettant de mieux utiliser les ressources dont les villes disposent en favorisant la mutualisation des infrastructures, tout en augmentant les interactions sociales, façon de répondre aux défis de la crise démocratique.  Par ailleurs, le numérique offre aussi des outils permettant de mieux comprendre et piloter la ville, et ainsi, en optimiser le fonctionnement.

 

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