Six des fablabs visités par les fabbikers peuvent être intégrés à cette catégorie. Bien entendu, l’ensemble des makerspaces a une dimension coopérative forte. Ce qui distingue les exemples suivants, c’est que cette dimension prend le pas sur les autres « missions » que peuvent remplir ces espaces.
L’importance de la communauté s’apprécie notamment par la genèse de plusieurs de ces fablabs :
- la microfactory de Bruxelles a démarré autour de séances de bricolage proposées par un couple. Le projet a progressivement gagné en ampleur, se transformant en entreprise, qui compte aujourd’hui 43 membres
- l’openfab de Bruxelles a été initié dans la cave de Nicolas, le fondateur. C’est aujourd’hui une association qui compte une cinquantaine de membres
- le maakplek aux Pays-Bas, se positionne sur le segment amateurs, en complémentarité du SCN[1], qui a développé une offre dédiée aux enfants ; ils se définissent avant tout comme une communauté et propose donc un tarif d’adhésion au mois sans limite de temps
- le ZB45 d’Amsterdam a fait ses débuts dans un camion et fédère aujourd’hui une centaine de membres, dont 30 réguliers
La vocation sociale est un des rôles assumés par ce type de makerspace : la kaasfabrike organise des ateliers à destination principalement des enfants de familles défavorisées, ne pouvant partir en vacances ; l’openfab travaille sur le projet Velo M² visant à amener le concept des fablabs directement auprès des enfants défavorisés également.
Plusieurs de ces fablabs refusent explicitement les subventions publiques, afin de garantir leur indépendance et pour s’obliger à mettre en place un modèle économique qui évite l’effondrement lorsque les subventions publiques se tarissent. Elles fonctionnent majoritairement à peu de frais et montent en puissance graduellement. La kaasfabrike a toutefois contracté un prêt initial de 60 000€, mais les autres structures fonctionnent par dons, et utilisent des machines hackées, parfaitement maitrisées par les équipes et/ ou communautés d’utilisateurs pour limiter les frais d’investissement. Pour la kaasfabriek d’Alkmaar (Pays-Bas), les coûts liés à l’immobilier sont extrêmement réduits étant donné que le makerspace est installé dans des containers sur une friche industrielle, ce qui comporte toutefois un risque important d’expulsion, le makerspace étant toléré sur le terrain. Les coûts immobiliers pour le mini fablab, né d’un défi personnel d’un des fondateurs de la Waag society (rendez-vous dans quelques semaines, pour l’article consacré aux lieux totem pour en savoir plus sur celle-ci !) sont nuls et ses frais d’investissement minimes : installé dans son garage, il a couté moins de 5000€ pour son équipement et aménagement. Concernant les coûts de fonctionnement, seules deux de ces structures emploient un ou deux fabmanager (respectivement la microfactory et ZB45), les autres sont animés par des bénévoles.
Les enjeux de ces structures sont liés au dynamisme et à la pérennité des communautés : dans le cas de l’openfab, le déménagement a eu pour effet une diminution de la communauté, qui n’a pas « suivi ». En l’absence d’équipe salariée, les horaires d’ouverture du lieu dépendent de la disponibilité des membres des communautés d’adhérents. Les membres de la communauté doivent donc être de réels acteurs du lieu et pas seulement des utilisateurs/ consommateurs. L’un des défis principaux de ce type de structure est l’essoufflement de la communauté initiale/ des membres fondateurs. Pour maintenir la dynamique, le renouvellement de la communauté et son agrandissement sont des éléments clé. A ce titre, l’aménagement d’espaces conviviaux et un fonctionnement propices aux échanges, sont des facteurs de réussite.
Le « parrainage » pratiqué par l’openfab est à ce titre une bonne pratique qui mérite d’être citée : les nouveaux arrivants sont « stagiaires » le temps de trouver leurs marques et de comprendre le fonctionnement des machines. Ils sont ensuite autonomes (ils ont leurs clés). Ce fonctionnement permet d’une part de faciliter l’intégration des nouveaux arrivants, et d’autre part leur montée en compétences, y compris dans l’optique d’assurer utilisation sécurisée des machines.
[1] Le SCN est un centre d’accueil de loisirs pour les jeunes, comprenant des installations et du personnel encadrant pour l’électronique, les travaux manuels, la musique (studio d’enregistrement), la mécanique etc.